CANDIDE.Un style à l'efficacité implacable

Publié le par Joy West

Un style à l’efficacité implacable
 

Le style de Candide a assuré à Voltaire une place dans les mémoires de tous les élèves du secondaire. Près de 250 ans après sa parution, et en dépit des profondes transformations du monde, ce conte continue de marquer les esprits bien au-delà de ce qu’il paraît être : le témoignage d’une époque finissante. C’est que l’antiphrase, la satire, la parodie, la froideur et l’emploi systématique du décalage sont aujourd’hui encore d’une efficacité remarquable.

L’antiphrase

L’antiphrase consiste à suggérer une pensée en formulant l’idée contraire. Par là, elle sert l’ironie omniprésente dans le conte. Son emploi permet à Voltaire de suggérer la distance entre une illusion et le réel ou de sous-entendre une logique effrayante. Dès le premier chapitre, le lecteur comprend par antiphrase la très relative richesse du baron, la relation de Pangloss avec la petite servante ou encore la véritable origine de Candide. Les différentes cibles étudiées précédemment ne sont pas jugées de manière explicite, mais leurs méfaits sont montrés et les conclusions s’imposent d’elles-mêmes. Procédé plus efficace qu’une condamnation ouverte et argumentée, l’antiphrase se prête merveilleusement à l’esprit d’un conte où le héros, par sa candeur, découvre avec des yeux étrangers le monde et ses horreurs.

La satire

La satire atteint une efficacité remarquable dans les portraits qui sont faits de l’aristocratie et de certaines conduites intolérantes, cruelles. Ainsi, au chapitre XXII, les malversations et la corruption d’un officier de police brossent un portrait effrayant de la justice française.

La parodie

La parodie a déjà été évoquée. Elle est rendue sensible par les exagérations, les hyperboles et les incohérences. Nul genre littéraire n’y échappe, pas même l’utopie. L’Eldorado (XVII et XVIII) apparaît vraiment comme une société aux dimensions démesurées, où le merveilleux y est peut-être factice (les moutons y volent et les fontaines déversent de l’eau rose).

Le décalage

Le décalage est omniprésent, renforcé par la naïveté du héros et la sottise de son maître. Ainsi, Candide ne comprend que tardivement les intentions des soldats bulgares (II), du familier de l’Inquisition (V) ou du marchand hollandais (XX) qui le dépossède des moutons qui lui restent. Le lecteur perçoit avant lui les malheurs qui l’attendent. Il est à la fois amusé et horrifié du spectacle qui lui est offert.

La vision tragique d’un monde d’intérêt et de mensonge est rendue sur le mode d’un humour extraordinairement varié. La langue évoque de manière frivole la misère du monde, laquelle ne peut être supportable que grâce à la légèreté. Voltaire réclamait « tous les genres sauf le genre ennuyeux ».

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